3 Novembre 2023

Caractéristiques techniques

Encart : Moteur ou étage ?

Sur Vega (comme sur Ariane 5, par exemple) on utilise le même nom pour désigner les étages à propergol solides et leurs moteurs. C’est ainsi le cas du P-80, du Z-23 et du Z-9. Cela est lié à l’architecture même du propulseur et à sa façon de consumer son carburant : l’étage est le moteur !

Le premier étage P-80

Vega est l’une des fusées les plus rapides au monde dans sa catégorie, lors de son décollage : elle « bondit » du pas de tir ELA-1 pour atteindre Mach-1 en seulement 30 secondes. Une prouesse qu’elle doit à son premier étage à propulsion solide, développé sous le pilotage du CNES à partir de 1999, le P-80.

‘P’ pour poudre, et 80 pour les 88 tonnes de combustible dont l’étage est chargé au moment du décollage de Vega. Ce programme a bénéficié entre 1999 et 2006 d'une initiative du CNES nommée à l’origine « Initiative Ariane 2010 » et qui cherchait à identifier des technologies nouvelles pour améliorer les performances (poussée, fiabilité, vibrations, etc.) tout en réduisant les coûts, notamment dans le domaine de la propulsion solide. Lors de son développement, le P-80 est d’abord le premier étage de Vega, mais aussi une véritable plateforme de démonstration technologique. Ses avancées concernent tous les éléments principaux d’un moteur à propergol solide :

Le composite P-80 lors de son transfert vers le pas de tir.
Crédits ESA/S. Corvaja

  • Enveloppe moteur : l’ensemble est réalisé en fibre de carbone pré-imprégnée de résine époxy, bobinée sur un mandrin métallique déjà recouvert d’une protection thermique interne. Le P-80 devient en 2006 le plus imposant moteur monolithique à structure bobinée jamais réalisé dans le monde.
  • Protection thermique interne : un revêtement novateur en caoutchouc à densité réduite, chargé de fibres d’aramide et de micro sphères de verre.
  • Propergol : la performance du moteur est améliorée grâce à la densité du carburant, liée à un nouveau mélange plus riche en aluminium que pour la propulsion d’Ariane 5.
  • Tuyère : grâce à une nouvelle architecture simplifiée, la tuyère et son système d’accroche sont moins coûteux, comportent moins de pièces et utilisent des matériaux innovants par rapport aux technologies développées dans les années 90 pour Ariane 5.
  • Allumeur : comme pour la tuyère, le système a été simplifié par rapport aux technologies disponibles sur les EAP d’Ariane 5.
  • Activation tuyère : un système électro-mécanique permet (à la place d’un système hydraulique plus lourd et plus complexe) de gérer le pilotage de la tuyère et d’appliquer les commandes issues de l’ordinateur de bord situé dans l’étage AVUM. La tuyère peut pivoter de 6,5 degrés.

Sans son carburant, le P-80 ne pèse que 8,55 tonnes. Il mesure 11m de long et 3m de diamètre, et il a été pour la première fois testé en 2006 à Kourou.

L’allumage du P-80 marque le décollage : l’étage est conçu pour fonctionner durant 107 secondes, et produit 3000 kN de poussée (dans le vide), après quoi il est éjecté par une charge pyrotechnique le séparant du second étage Z-23, et 6 petits dispositifs de rétrofusées qui assurent qu’il n’y aura pas re-contact avec le lanceur.

Le deuxième étage Z-23

Aussitôt que le P-80 est séparé de l’ensemble lanceur, à plus de 55 km d’altitude et près de 2000 m/s, le second étage à propulsion solide rentre en jeu, c’est le Z-23. Dans son nom, le Z est issu de Zefiro (« vent » en italien) et 23 désigne la masse de carburant lors du décollage du lanceur. Ce dernier est plus petit que le premier étage (8,4 m) et surtout plus fin (1,9 m de diamètre) ce qui donne son profil tout particulier à Vega sur le pas de tir. Il ne faut pas s’y méprendre cependant : avec 1 100 kN de poussée, le Z-23 est un imposant moteur qui va sortir Vega de l’atmosphère avant de cesser son action à plus de 140 km d’altitude et environ 3,9 km/s.

L’étage Z-23 est développé sous la responsabilité d’AVIO SpA dès 2000. Le moteur utilise le même carburant solide que le P-80 et une structure en filaments de fibre de carbone imprégnée de résine époxy. Le Z-23 a réalisé son test de qualification en Sardaigne le 27 mars 2008.

L’étage Z-23 reste actif durant 71,6 secondes, et il est lui aussi contrôlé par l’ordinateur de bord au sein de l’étage AVUM. Il est éjecté par un système à ressort associé à une découpe pyrotechnique.

Le Z-23 sur la Zone de Lancement Vega, au levage pour son assemblage au sein du portique mobile. Crédits : ESA / M. Pedoussaut

Le troisième étage Z-9

L’étage Z-9 est allumé à plus de 150 kilomètres d’altitude, quelques secondes après la séparation de l’étage Z-23 et quelques secondes avant l’éjection de la coiffe de Vega. Il est basé sur la même technologie que les étages inférieurs (carburant solide HTPB), en étant un peu moins puissant. Z-9 embarque 10,5 tonnes de carburant et reste allumé durant 117 secondes, produisant une poussée maximale de 313 kN. Il fait pratiquement atteindre à l’ensemble « AVUM + charge utile » une vitesse orbitale, puisqu’il se détache après avoir accéléré jusqu’à 7,5 km/s.

Le Z-9 est issu du même développement que l’étage Z-23 au cours des années 2000. Il a été mis à feu pour la première fois en 2005, sous la responsabilité d’AVIO SpA. Avec 1,9 m de diamètre pour 3.9 m de long, Z-9 est assemblé à Colleferro en Italie (Avio).
Z-9 est séparé de l’étage supérieur grâce à un système électromécanique équipé de ressorts assurant une éjection sans dispositif pyrotechnique. L’inter-étages comprend entre autres un système double équipé d’antennes indépendantes pour assurer en cas de problème la réception de la commande d’auto-destruction/sauvegarde du lanceur, ainsi qu’un transpondeur radar pour le suivi de la trajectoire depuis le sol.

L’étage Z-9 à son arrivée sur la Zone de Lancement Vega.
Crédits : ESA / M. Pedoussaut

Le quatrième étage AVUM

Le quatrième étage, ou étage supérieur du lanceur Vega se nomme AVUM pour Attitude and Vernier Upper Module. Il est constitué d’une partie propulsive ainsi que de l’avionique et de l’ordinateur de vol qui gèrent le fonctionnement des trois étages inférieurs de façon à suivre la trajectoire imposée par le programme de vol.

Cette unité AAM (AVUM Avionics Module) gère le contrôle du lanceur au cours du vol, le traitement des données de télémétrie, la distribution électrique, le contrôle thermique et le système de sauvegarde. Tous ces processus sont automatisés, seul le système d’autodestruction devant être manuellement activé depuis le sol.

Le moteur principal MEA (évolution du moteur russe RD-869) qui équipe l’étage AVUM est fourni par l’entreprise ukrainienne KB Yuzhnohe. Il fonctionne grâce à des ergols liquides (UDMH-Peroxyde d’azote) répartis dans quatre réservoirs sphériques de 142 litres, et peut être rallumé 5 fois (puissance : 2,45 kN). En plus, six petits propulseurs hypergoliques sont utilisés pour le contrôle d’attitude de l’étage, reliés à un réservoir central de 40 L d’azote gazeux.

Selon le profil de la mission, AVUM réalise son dernier allumage moteur après éjection réussie de la charge utile, afin d’être désorbité ou injecté sur une orbite dite « cimetière » diminuant la rentrée atmosphérique à 25 ans.

Intégration du 4e et dernier étage AVUM. Crédits : ESA/CNES/Arianespace/Optique Video du CSG

Coiffe

La coiffe de Vega assure au lanceur un profil aérodynamique et confère une protection (notamment contre les effets liés à la friction atmosphérique) pour la charge utile. Elle est éjectée grâce à des dispositifs pyrotechniques lorsque les composites supérieurs sont au-dessus de l’atmosphère, dans les premières secondes de poussée de l’étage Z-9. La coiffe, constituée de deux coques symétriques, mesure 2,6 m de diamètre au plus large et 7,88 m de long, avec une structure nid d’abeille en aluminium sur laquelle est déposée la paroi en CFRP (polymère renforcé à la fibre de carbone) puis une protection thermique en liège.

La coiffe de Vega pour VV-02. Crédits : ESA/CNES/Arianespace/Optique Video du CSG

Charge utile

Le lanceur Vega dispose de plusieurs dispositifs d’adaptation pour les charges utiles.
Si le lancement concerne un unique satellite, deux pièces aux diamètres différents sont proposées au client : le PLA 937 VG ou le PLA 1194 VG, en fonction de l’architecture souhaitée de la pièce de liaison. L’adaptateur éjecte le satellite à l’aide d’un système de clampe et de quatre ressorts mécaniques.

L’adapteur PLA 1194. Crédits : Avio

Si le lancement concerne une charge utile double, Vega dispose du système VESPA (Vega Secondary Payload Adapter). Ce dernier accueille un premier satellite au-dessus de sa structure (maximum 1 tonne), puis éjecte la structure de VESPA et révèle un second satellite de plus faible masse et volume (maximum 600 kg), qui peut être rejoint par 6 nanosatellites.

Le système VESPA. Crédits : Avio

Si le lancement est dédié à la mise en orbite de nombreux satellites en constellation ou en vol partagé, le système SSMS peut être proposé avec différentes configurations pour accueillir des charges utiles entre 1 et 400 kg.

Présentation du système SSMS. Crédits : ESA

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